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Avant qu’il ne ressente
Blake Pierce


Un mystГЁre Mackenzie White #6
Voici le volume 6 de la série mystère Mackenzie White par Blake Pierce, l’auteur à succès de UNE FOIS PARTIE (bestseller nº1 ayant reçu plus de 900 critiques à cinq étoiles) . Dans AVANT QU’IL NE RESSENTE (Un mystère Mackenzie White – Volume 6), l’agent spécial du FBI Mackenzie White est stupéfaite par l’affaire qui lui est assignée et qui concerne des victimes présentant un profil qu’elle n’avait jamais rencontré auparavant : toutes les victimes sont aveugles. Cela signifie-t-il que l’assassin est lui-même aveugle ?Se retrouvant plongée dans l’univers des personnes malvoyantes, Mackenzie a du mal à comprendre. Elle se retrouve hors de son élément, à sillonner l’état de foyers collectifs aux maisons privées, interrogeant des aides-soignants, des documentalistes, des experts et des psychologues. Et malgré l’aide des esprits les plus brillants du pays, il semblerait que Mackenzie soit incapable d’arrêter cette folie meurtrière. Aurait-elle finalement rencontré quelqu’un à sa hauteur ?Un thriller psychologique sombre avec un suspense qui vous tiendra en haleine, AVANT QU’IL NE RESSENTE est le volume 6 d’une fascinante nouvelle série, et d’un nouveau personnage, qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit. Également disponible du même auteur Blake Pierce : UNE FOIS PARTIE (Un mystère Riley Paige – Volume 1) - bestseller nº1 avec plus de 900 critiques à cinq étoiles - et un téléchargement gratuit !







AVANT QU’IL NE RESSENTE



(UN MYSTÈRE MACKENZIE WHITE – VOLUME 6)



B L A K E P I E R C E


Blake Pierce



Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant cinq volumes ; et de la nouvelle série mystère KERI LOCKE, comprenant quatre volumes (pour l’instant).

Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com) afin d’en apprendre davantage et rester en contact.



Copyright В© 2017 par Blake Pierce. Tous droits rГ©servГ©s. Sous rГ©serve de la loi amГ©ricaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise sous quelque forme ou par quelque procГ©dГ© que ce soit, ni enregistrГ©e dans une base de donnГ©es ou un systГЁme de rГ©cupГ©ration, sans l'accord prГ©alable de l'auteur. Ce livre Г©lectronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre Г©lectronique ne peut ГЄtre ni revendu, ni donnГ© Г  d'autres personnes. Si vous dГ©sirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplГ©mentaire pour chaque bГ©nГ©ficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas achetГ©, ou qu'il n'a pas Г©tГ© achetГ© pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les Г©vГ©nements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisГ©s de maniГЁre fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existГ© est purement fortuite. Image de couverture Copyright KN, utilisГ© sous licence de Shutterstock.com.


LIVRES PAR BLAKE PIERCE



LES ENQUГЉTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA A LA CHASSE (Tome 5)

A VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FERIR (Tome 9)



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)



POLAR AVERY BLACK

RAISON DE TUER (TOME 1)

RAISON DE COURIR (TOME2)

RAISON DE SE CACHER (TOME 3)

RAISON DE CRAINDRE (TOME 4)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (TOME 1)

DE MAUVAIS AUGURE (TOME 2)

L’OMBLRE DU MAL (TOME 3)


TABLE DES MATIГ€RES

PROLOGUE (#uccb8e9bc-54ac-5d62-9c34-a03e4e91d2a5)

CHAPITRE UN (#u040f011c-4d06-53ae-80a8-c3a221a28899)

CHAPITRE DEUX (#u1f450069-bc7f-579f-a7ed-429c5baedf79)

CHAPITRE TROIS (#u2aff6853-e3a4-5cff-adc0-02ad89725ebb)

CHAPITRE QUATRE (#u1595cfc1-b5f9-57fd-85a9-7080a38ff052)

CHAPITRE CINQ (#u12e49e20-19a3-5428-b900-e6fa0e86ee8e)

CHAPITRE SIX (#u13d52c65-eebc-5507-944f-26edaf8e42c7)

CHAPITRE SEPT (#u253200e6-4f88-5b36-9a68-33c2375a5af3)

CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo)




PROLOGUE


Il avait lu ce bouquin au moins une demi-douzaine de fois mais ce n’était pas grave. C’était un bon bouquin et il était même arrivé au point de donner à chaque personnage du livre sa propre voix. Ça aidait aussi beaucoup qu’il s’agisse là d’un de ses ouvrages favoris – Quelque chose de diabolique est sur le point d’arriver par Ray Bradbury. Pour beaucoup, ce serait un choix étrange de livre à lire aux pensionnaires d’une résidence pour aveugles, mais tous ceux à qui il l’avait lu avaient eu l’air de l’apprécier.

Il arrivait à la fin de l’histoire et sa pensionnaire avait été subjuguée par le récit. Ellis, une femme de cinquante-sept ans, lui avait expliqué qu’elle était née aveugle et qu’elle vivait dans cette résidence depuis onze ans, après que son fils ait décidé qu’il ne voulait plus s’occuper d’elle et l’avait placée dans la résidence Wakeman pour aveugles.

Ellis avait eu l’air de l’apprécier directement. Elle lui avait raconté plus tard qu’elle n’avait parlé de lui qu’à très peu d’autres pensionnaires car elle avait envie de le garder pour elle toute seule. Et c’était très bien comme ça. En fait, c’était même plutôt parfait en ce qui le concernait.

Mieux encore, il y a environ trois semaines, elle avait insisté pour qu’ils sortent de la résidence ; elle avait envie d’entendre son récit en plein air, avec le visage au vent. Et bien qu’il n’y ait pas vraiment de brise aujourd’hui – il faisait en fait vraiment très chaud – c’était très bien comme ça. Ils étaient assis dans une petite roseraie à environ cinq cents mètres de la résidence. C’était un endroit, lui avait-elle dit, où elle aimait se rendre. Elle y aimait l’odeur des roses et le bourdonnement des abeilles.

Et maintenant, elle y écoutait sa voix lui lire l’histoire écrite par Ray Bradbury.

Il était content qu’elle l’apprécie autant. Il l’aimait beaucoup aussi. Ellis ne l’interrompait pas avec des dizaines de questions comme d’autres pensionnaires pouvaient le faire. Elle restait simplement assise là, le regard perdu au loin, et se concentrait sur chacun des mots qu’il prononçait.

Au moment où il arriva à la fin d’un chapitre, il jeta un coup d’œil à sa montre. Il était déjà resté dix minutes de plus que d’habitude. Il n’avait pas prévu de rendre visite à d’autres pensionnaires aujourd’hui mais il avait des projets pour ce soir.

Il plaça son marque-page à l’endroit où il s’était arrêté et déposa le livre. Maintenant qu’il n’avait plus l’histoire pour le distraire, il réalisa combien la chaleur du sud était oppressante dans son dos.

« C’est tout pour aujourd’hui ? » demanda Ellis.

Il sourit à sa question. Il était toujours aussi étonné de constater que les autres sens aient autant compensé l’absence de la vue. Elle l’avait entendu bouger sur le petit banc au centre du jardin, puis le bruit léger du livre qu’il avait reposé sur ses genoux.

« Oui, j’en ai bien peur, » dit-il. « J’ai déjà dépassé de dix minutes le temps de ma visite. »

В« Il reste encore beaucoup ? В» demanda-t-elle.

« Environ quarante pages. Alors on le terminera la semaine prochaine. C’est d’accord ? »

« Oui, tout à fait, » dit-elle. Puis elle fronça légèrement les sourcils et ajouta : « Est-ce que ça vous dérange si je vous demande… et bien, vous savez… c’est bête, mais… »

« Non, il n’y a pas de problème, Ellis. »

Il se pencha plus près d’elle et la laissa toucher son visage. Elle promena ses mains le long du contour de sa tête. Il comprenait ce besoin (et Ellis n’était pas la seule femme aveugle qui lui ait demandé la même chose) mais ça lui paraissait toujours aussi bizarre. Un léger sourire se dessina sur les lèvres d’Ellis au moment où elle parcourait son visage des doigts, puis elle retira ses mains.

В« Merci, В» dit-elle. В« Et merci pour la lecture. Je me demandais si vous aviez dГ©jГ  des idГ©es pour le prochain bouquin ? В»

В« Г‡a dГ©pend de quoi vous avez envie. В»

В« Un classique, peut-ГЄtre ? В»

« C’est Ray Bradbury, » dit-il. « C’est le plus classique que je puisse faire. Mais je pense que je dois avoir Sa Majesté des mouches quelque part. »

« C’est le livre racontant l’histoire de ces garçons échoués sur une île, n’est-ce pas ? »

В« De maniГЁre rГ©sumГ©e, oui. В»

« Ça me paraît une bonne idée. Mais celui-ci… ce Quelque chose de diabolique est sur le point d’arriver est vraiment excellent. Un très bon choix ! »

« Oui, c’est un de mes livres préférés. »

Il était plutôt content qu’elle ne puisse pas voir le sourire perfide qui se dessina sur ses lèvres. Quelque chose de diabolique est sur le point d’arriver, de fait, pensa-t-il.

Il prit son livre en main, usé par des années d’utilisation, ouvert pour la première fois il y a environ trente ans. Il attendit qu’elle se lève avec lui, comme un amoureux impatient. Elle avait son bâton de marche avec elle mais elle l’utilisait rarement.

La marche retour vers la rГ©sidence Wakeman pour aveugles Г©tait courte. Il aimait regarder la concentration qui envahissait son visage quand elle se mettait Г  marcher. Il se demanda quel effet cela pouvait-il faire de compter sur tous ses autres sens pour pouvoir se dГ©placer. Г‡a devait ГЄtre trГЁs fatigant de se dГ©placer dans un univers sans ГЄtre capable de le voir.

Tout en scrutant son visage, il espérait surtout qu’Ellis ait apprécié le récit qu’elle avait entendu jusqu’à maintenant.

Il serra le livre contre lui, presque déçu qu’Ellis n’ait jamais l’occasion de savoir comment l’histoire se terminait.



*



Ellis se prit à penser aux jeunes garçons de Quelque chose de diabolique est sur le point d’arriver. C’était le mois d’octobre dans le livre. Elle aurait aimé être aussi au mois d’octobre. Mais non… c’était la fin du mois de juillet dans le sud de la Virginie et elle avait l’impression qu’il ne pouvait pas faire plus chaud que ça. Elle envisageait de faire une ballade avant le crépuscule, mais il faisait toujours un insupportable trente-deux degrés dehors comme le lui avait appris Siri, l’application sur son iPhone.

Hélas, elle avait appris à bien connaître Siri. Cette application était un bon moyen de faire passer le temps. Elle lui parlait d’une voix prétentieuse de robot et maintenait Ellis informée sur des sujets divers, les prévisions météo ou les résultats sportifs.

Il y avait quelques personnes à la résidence qui s’y connaissaient en technologie et qui veillaient à ce que tous ses gadgets informatiques soient mis à jour. Elle avait un MacBook rempli d’iTunes et une bibliothèque musicale assez conséquente. Elle avait également le dernier iPhone et même une excellente application qui lui permettait de communiquer en Braille.

Siri venait juste de lui dire qu’il faisait trente degrés à l’extérieur. Ça avait l’air impossible vu qu’il était presque dix-neuf trente du soir. Enfin, pensa-t-elle. Un peu de transpiration n’a jamais fait de mal à personne.

Elle envisagea d’abandonner l’idée de sa ballade. C’était une promenade qu’elle faisait au moins cinq fois par semaine. Mais elle en avait déjà fait une aujourd’hui avec l’homme qui lui faisait la lecture. Elle n’avait pas vraiment besoin de faire de l’exercice mais… et bien, elle avait sa routine et ses petites habitudes qui lui donnaient l’impression d’être normale, qui lui donnaient l’impression d’être saine d’esprit. De plus, il y avait quelque chose dans l’air à la fin de la journée, au moment du crépuscule. Elle était capable de littéralement sentir le moment où le soleil se couchait et d’entendre une sorte de bourdonnement électrique dans l’air au moment où le silence envahissait le monde autour d’elle, amenant l’obscurité et la nuit.

Alors elle décida finalement d’aller faire sa promenade. Deux personnes de la résidence lui dirent au revoir, des voix familières – l’une remplie d’ennui, l’autre avec un enthousiasme réfréné. Elle savoura la sensation de l’air frais sur son visage au moment où elle sortit sur la pelouse principale.

В« OГ№ vas-tu, Ellis ? В»

C’était une autre voix familière – celle du directeur de la résidence Wakeman, un homme jovial du nom de Randall Jones.

В« Ma promenade habituelle, В» rГ©pondit-elle.

« Mais il fait si chaud ! Ne traîne pas de trop. Je n’ai vraiment pas envie que tu nous fasses une syncope ! »

В« Ou rater mon ridicule couvre-feu, В» dit-elle.

« Oui, c’est ça, » dit Randall, avec un petit air moqueur.

Elle sortit pour sa ballade, laissant derrière elle la résidence. Elle sentit un espace ouvert devant elle, la pelouse qui l’attendait. Au-delà se trouvait le trottoir et, cinq cent mètres plus loin, la roseraie.

Ellis détestait l’idée d’avoir près de soixante ans et d’avoir un couvre-feu. Elle en comprenait la raison mais ça lui donnait l’impression d’être un enfant. Mais d’un autre côté, à part le fait d’être aveugle, elle était plutôt bien à la résidence Wakeman. Elle avait même cet homme gentil qui venait lui faire la lecture une fois par semaine – et parfois deux fois. Elle savait qu’il faisait aussi la lecture à d’autres personnes. Mais c’était des pensionnaires d’autres résidences. Ici à Wakeman, elle était la seule à qui il faisait la lecture. Elle avait du coup l’impression d’être spéciale. Elle avait l’impression qu’il avait une préférence pour elle. Il s’était plaint du fait que la plupart des pensionnaires préféraient des romans à l’eau de rose ou des best-sellers inintéressants. Mais avec Ellis, il pouvait lire des ouvrages qu’il appréciait vraiment. Deux semaines plus tôt, ils avaient terminé Cujo de Stephen King. Et maintenant, c’était ce livre de Bradbury et –

Elle s’arrêta de marcher, en penchant légèrement la tête sur le côté.

Elle avait eu l’impression d’entendre un bruit tout près d’elle. Mais après s’être arrêtée, elle n’entendit plus rien.

C’était probablement juste un animal traversant les bois sur ma droite, pensa-t-elle. Après tout, c’était la Virginie du Sud… et il y avait beaucoup de forêts et d’animaux qui y vivaient.

Elle tapota de sa canne devant elle, trouvant une sorte de bien-être dans le bruit familier du clic clic au moment où elle touchait le trottoir. Bien qu’elle n’ait jamais vu le trottoir ou la route qui le longeait, on les lui avait plusieurs fois décrits. Elle avait même fini par s’en créer une image mentale avec les descriptions des fleurs et des arbres que certains des aides-soignants de la résidence lui en avaient faites.

Cinq minutes plus tard, elle sentit l’odeur des roses à quelques mètres devant elle. Elle entendit le bourdonnement des abeilles voletant autour des fleurs. Elle avait parfois l’impression qu’elle pouvait même sentir les abeilles, couvertes de pollen et du miel qu’elles produisaient quelque part tout près.

Elle connaissait si bien le chemin qui menait à la roseraie qu’elle aurait pu s’y rendre sans l’aide de sa canne. Elle en avait fait le tour au moins un millier de fois durant ces onze dernières années à la résidence. Elle y venait pour réfléchir sur sa vie, sur le fait qu’elle était devenue si compliquée que son mari l’avait quittée quinze ans plus tôt et son fils avait fait de même il y a onze ans. Son salaud d’ex-mari ne lui manquait pas du tout mais ce qui lui manquait, c’était de sentir les mains d’un homme sur son corps. Pour être tout à fait honnête, c’était une des raisons pour laquelle elle appréciait autant toucher le visage de l’homme qui lui faisait la lecture. Il avait un menton volontaire, des pommettes saillantes et un accent du Sud qu’elle adorait écouter. Même s’il lui avait lu l’annuaire téléphonique, elle aurait apprécié.

Elle pensait à lui au moment où elle sentit qu’elle entrait dans l’espace familier du jardin. Le béton était résistant sous ses pas mais tout ce qui l’entourait était doux et accueillant. Elle fit une pause durant un instant et réalisa que, comme c’était généralement le cas dans l’après-midi, elle y était toute seule. Il n’y avait personne d’autre.

Elle s’arrêta à nouveau. Elle avait entendu un bruit derrière elle.

Ressenti, aussi, pensa-t-elle.

В« Qui va lГ  ? В» demanda-t-elle.

Elle ne reçut aucune réponse. Elle était sortie aussi tard car elle savait que le jardin serait désert. Très peu de personnes sortaient le soir après dix-huit heures dans la minuscule petite ville de Stateton, où se trouvait la résidence Wakeman. Quand elle était sortie un quart d’heure plus tôt, elle avait tendu l’oreille pour savoir si quelqu’un se trouvait dans la pelouse à l’avant et elle n’avait rien entendu. Elle n’avait également entendu personne sur le trottoir en descendant vers le jardin. Il était possible que quelqu’un soit sorti avec l’intention de se glisser furtivement derrière elle et l’effrayer mais c’était assez risqué. Un tel comportement avait des conséquences, des lois rigoureusement appliquées par une force de police qui ne rigolait pas quand il s’agissait d’adolescents cherchant à faire une mauvaise blague à une personne handicapée.

Mais elle entendit Г  nouveau quelque chose.

Elle avait entendu un bruit et elle était d’autant plus certaine que quelqu’un se trouvait à proximité. Elle pouvait sentir son odeur. Ce n’était pas du tout une odeur désagréable. En fait, c’était plutôt une odeur familière.

Un sentiment de peur l’envahit et elle ouvrit la bouche pour crier.

Mais avant qu’elle ne puisse émettre un seul son, elle sentit soudain une pression immense autour de sa gorge. Elle sentit autre chose aussi, irradiant de la personne.

C’était de la haine.

Elle étouffait, incapable de hurler, de parler, de respirer, et elle sentit qu’elle tombait à genoux.

La pression autour de son cou s’intensifia et la haine émanant de son attaquant la pénétrait de toute part alors que son corps était envahi par la douleur. Et pour la première fois de sa vie, Ellis fut soulagée d’être aveugle. Alors qu’elle sentait la vie la quitter, elle était soulagée de ne pas devoir regarder dans les yeux le visage du mal. Au lieu de ça, elle avait devant elle cette obscurité si familière pour l’accueillir dans ce qui l’attendait après cette vie.




CHAPITRE UN


Mackenzie White, toujours sur les routes, était vraiment contente de rester confinée dans son petit box. Elle avait été encore plus ravie quand, il y a trois semaines, McGrath l’avait appelée pour lui dire qu’il y avait un bureau de libre suite à une série de licenciements au sein du gouvernement et qu’elle pouvait s’y installer si elle le souhaitait. Elle avait attendu quelques jours et vu que personne d’autre ne l’avait pris, elle s’y était installée.

La pièce était décorée de manière très minimaliste et elle ne contenait que son bureau, une lampe sur pied, une petite étagère et deux chaises. Un grand calendrier effaçable était pendu au mur. Elle le fixait des yeux en faisant une pause après avoir répondu à des emails et passé des coups de téléphone afin de découvrir de nouvelles pistes concernant une affaire en particulier.

C’était une affaire ancienne… une affaire liée à une simple carte de visite qu’elle avait accrochée au calendrier à l’aide d’un aimant :



AntiquitГ©s Barker



C’était le nom d’une entreprise qui n’avait apparemment jamais existé.

Les quelques pistes qu’ils avaient trouvées n’avaient mené à rien. La seule fois où il y eut une légère avancée, ce fut quand l’agent Harrison avait découvert l’existence d’un endroit à New York qui pouvait avoir un lien potentiel avec la société. Mais il s’est très vite avéré qu’il ne s’agissait de rien de plus que d’un homme qui avait vendu de vieilles antiquités bas de gamme dans son garage à la fin des années 80.

Elle avait néanmoins le sentiment qu’elle était vraiment très près de découvrir une piste qui la mènerait aux réponses qu’elle cherchait depuis longtemps – des réponses concernant la mort de son père et le meurtre qui y était apparemment lié et qui avait eu lieu à peine six mois plus tôt.

Elle essayait de s’accrocher à ce sentiment, à cette sensation que la réponse était là à portée de main, encore invisible et pourtant juste devant ses yeux. C’était ce qu’elle devait faire des jours comme aujourd’hui, où trois pistes potentielles s’étaient avérées infructueuses après quelques appels téléphoniques et quelques emails.

La carte de visite était devenue une sorte d’énigme pour elle. Elle la fixait des yeux tous les jours, en essayant d’imaginer une approche différente à laquelle elle n’aurait pas encore pensé.

Cette carte de visite la captivait tellement qu’elle sursauta au moment où quelqu’un frappa à la porte de son bureau. Elle regarda en direction de la porte et y vit Ellington. Il passa sa tête à l’intérieur et jeta un coup d’œil autour de lui.

В« Et bien, tu dГ©tonnes toujours autant dans un bureau. В»

« Je sais, » dit Mackenzie. « J’ai vraiment l’impression d’être un imposteur. Viens, entre. »

« Je n’ai pas beaucoup de temps devant moi, » dit-il. « Je me demandais seulement si tu voulais qu’on aille déjeuner ensemble. »

« Oui, bien sûr, » dit-elle. « On peut se retrouver en bas dans une demi-heure et… »

Son téléphone sonna, l’interrompant au milieu de sa phrase. Elle jeta un coup d’œil à l’affichage et vit que l’appel venait de l’extension de McGrath. « Attends une minute, » dit-elle. « C’est McGrath. »

Ellington hocha la tГЄte et prit un air sГ©rieux.

В« Agent White, В» dit-elle.

« White, c’est McGrath. Je veux que vous veniez aussi vite que possible dans mon bureau. C’est concernant une nouvelle mission. Trouvez-moi Ellington et amenez-le avec vous. »

Elle ouvrit la bouche pour répondre Oui monsieur, mais McGrath avait raccroché avant même qu’elle n’ait eu le temps d’émettre un son.

В« On dirait que le dГ©jeuner devra attendre, В» dit-elle. В« McGrath veut nous voir. В»

Ils échangèrent un regard gêné en pensant à la même chose. Ils s’étaient souvent demandé combien de temps ils parviendraient à maintenir leur relation secrète et cachée de leurs collègues, et spécialement de McGrath.

« Tu penses qu’il est au courant ? » demanda Ellington.

Mackenzie haussa les épaules. « Je ne sais pas. Mais il a dit qu’il voulait nous voir concernant une mission. Alors s’il est au courant, ce n’est apparemment pas la raison de son appel. »

В« Alors allons-y et on aura notre rГ©ponse, В» dit Ellington.

Mackenzie éteignit son ordinateur et rejoignit Ellington. Ils traversèrent l’édifice en direction du bureau de McGrath. Elle essayait de se persuader que ce n’était pas grave si McGrath était au courant à leur sujet. Ce n’était pas une raison de suspension ou de réprimande, mais il ne les laisserait probablement plus jamais travailler ensemble s’il découvrait la vérité.

Bien qu’elle fasse de son mieux pour ne pas se préoccuper, elle était tout de même inquiète. Elle fit de son mieux pour éviter d’y penser alors qu’ils s’approchaient du bureau de McGrath, tout en essayant de rester le plus éloigné possible d’Ellington.



***



McGrath les regarda d’un air méfiant au moment où ils s’assirent sur les chaises qui se trouvaient de l’autre côté de son bureau. C’était un endroit que Mackenzie commençait à bien connaître, être assise sur cette chaise pour être soit sermonnée soit félicitée par McGrath. Elle se demanda à quoi s’attendre aujourd’hui avant qu’il ne leur assigne leur nouvelle mission.

« Bon, on va commencer par laver un peu de linge sale, » dit McGrath. « Il est clair qu’il y a quelque chose entre vous. Je ne sais pas si c’est de l’amour ou juste un truc de passage… et franchement je m’en fous. Mais c’est votre seul et unique avertissement. Si ça vous empêche de faire votre boulot correctement, vous ne serez plus jamais partenaires. Et ce serait vraiment dommage car vous travaillez vraiment bien ensemble. C’est compris ? »

Mackenzie ne voyait pas Г  quoi Г§a pouvait servir de nier les faits. В« Oui, monsieur. В»

Ellington fit écho à sa réponse et elle eut un petit sourire en coin quand elle vit qu’il avait l’air gêné. Il était clair qu’il n’était pas du genre à être habitué à recevoir des réprimandes de sa hiérarchie.

« OK, maintenant que ça, c’est fait, venons-en à l’affaire, » dit McGrath. « On a reçu un appel du shérif d’une petite ville du Sud du nom de Stateton. Il y a une résidence pour aveugles – et c’est à peu près tout ce qu’il y a, d’après ce que j’ai pu comprendre. La nuit dernière, une femme aveugle a été assassinée très près de la résidence. Et bien que ce soit déjà assez tragique en soi, c’est le deuxième meurtre d’une personne aveugle dans l’état de Virginie en dix jours. Dans les deux cas, il y avait un traumatisme au niveau du cou, indiquant par là une mort par strangulation, ainsi qu’une irritation autour des yeux. »

« Est-ce que la première victime était également pensionnaire d’une résidence pour aveugles ? » demanda Mackenzie.

« Oui, mais d’une résidence beaucoup plus petite, d’après ce que j’ai pu comprendre. Au début, ils ont supposé que l’assassin était un membre de la famille, mais ça a pris moins d’une semaine pour innocenter tout le monde. Avec une deuxième victime et le fait qu’il s’agisse de cibles bien spécifiques, il est plus que probable qu’il ne s’agisse pas d’une coïncidence. Alors j’espère que vous comprendrez l’urgence de la situation. Franchement, j’ai l’impression qu’il s’agit là d’une histoire glauque de petite ville. Il n’y a pas beaucoup d’habitants, alors vous devriez rapidement pouvoir identifier un suspect. Je vous assigne cette mission car j’attends de vous que vous l’ayez élucidée en maximum quarante-huit heures. »

« Est-ce que l’agent Harrison va travailler avec nous sur cette affaire ? » demanda Mackenzie. N’ayant pas eu l’occasion de lui parler depuis la mort de sa mère, elle se sentait un peu coupable. Bien qu’il n’ait jamais vraiment été son partenaire, elle avait pour lui beaucoup de respect.

« L’agent Harrison a été assigné à d’autres tâches, » dit McGrath. « Pour cette affaire, il vous aidera en tant que ressource… recherche, informations et ce genre de choses. Êtes-vous mal à l’aise de travailler avec l’agent Ellington ? »

« Non, pas du tout, monsieur, » dit-elle, en regrettant d’avoir dit quoi que ce soit.

« OK, très bien alors. Je demanderai aux ressources humaines de vous réserver une chambre à Stateton. Je ne suis pas idiot… alors je n’ai demandé qu’une seule chambre. Si votre histoire finit par ne mener à rien, au moins elle permettra au bureau de faire des économies. »”

Mackenzie se demanda si c’était une forme d’humour. C’était difficile à dire car McGrath n’avait jamais l’air de sourire.

Au moment où ils se levèrent pour s’attaquer à leur mission, Mackenzie réalisa combien la réponse de McGrath avait été vague concernant Harrison. Il a été assigné à d’autres tâches, pensa Mackenzie. Qu’est-ce que ça signifie ?

Mais ce n’était pas à elle à s’en préoccuper. Au lieu de ça, on venait de lui assigner une affaire et McGrath voulait qu’elle soit rapidement élucidée. Elle pouvait déjà sentir l’excitation du challenge monter en elle, la poussant à se mettre tout de suite au travail.




CHAPITRE DEUX


Mackenzie fut parcourue d’un frisson alors qu’ils roulaient sur la route 47, s’enfonçant au cœur de la campagne de Virginie. Quelques champs de maïs parsemaient le paysage, brisant la monotonie des prairies et des forêts. L’étendue de ces champs n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait connu au Nebraska mais leur vue la faisait se sentir un peu mal à l’aise.

Heureusement, plus ils se rapprochaient de la ville de Stateton, moins il y avait de champs de maïs. Ils furent remplacés par des étendues de terrain fraîchement nivelées, qui avaient été rasées par des entreprises forestières locales. En faisant des recherches sur la région durant les quatre heures et demie de trajet, elle avait constaté qu’il y avait un nombre assez important de revendeurs de bois dans une ville voisine. Quant à Stateton, il y avait surtout la résidence Wakeman pour aveugles, quelques magasins d’antiquités et c’était à peu près tout.

« Il y a quoi que ce soit dans les dossiers sur l’affaire dont je ne sois pas encore au courant ? C’est difficile de lire le flux constant d’emails en étant derrière le volant. »

« Non, rien vraiment, » dit-elle. « On dirait qu’il va falloir qu’on passe par la procédure habituelle. Visites de la famille, de la résidence pour aveugles, des trucs dans le genre. »

« Visiter les familles… ça devrait être facile dans un petit bled comme celui-là où tout le monde se marie entre eux, hein ? »

Elle fut d’abord choquée par son commentaire puis elle laissa couler. Elle avait appris au bout de quelques semaines de « relation » avec Ellington qu’il avait un sens de l’humour assez spécial parfois et qu’il pouvait être un peu sec.

В« As-tu dГ©jГ  passГ© du temps dans un endroit dans le genre ? В» lui demanda Mackenzie.

« En colonie de vacances, » dit Ellington. « Une partie de mon adolescence que je préfère oublier. Et toi ? C’était aussi terrible que ça au Nebraska ? »

« Pas exactement pareil mais ça pouvait parfois être très désert. Il y a des moments où je me dis que je préfère le calme et la tranquillité de ce genre d’endroit au trafic et à la foule de Washington. »

В« Oui, je peux imaginer. В»

Mackenzie aimait vraiment le fait qu’elle apprenne à connaître Ellington en-dehors de toute formalité liée à une relation plus traditionnelle. Au lieu d’apprendre à se connaître lors de dîners au restaurant ou de longues ballades dans le parc, ils apprenaient à se connaître durant de longs trajets en voiture et le temps qu’ils passaient dans les bureaux du FBI ou dans des salles de conférence. Et elle en appréciait chaque instant. Elle se demandait parfois si elle ne se lasserait jamais d’apprendre à le connaître.

Pour l’instant, elle ne pensait pas que ça pouvait être possible.

Devant eux, une petite pancarte sur le côté de la route annonçait qu’ils entraient à Stateton, en Virginie. Ils roulaient sur une route à deux voies à travers bois. La vue de quelques maisons brisa un peu la monotonie de la forêt pendant environ un kilomètre avant que n’apparaissent les premiers signes de la ville. Ils passèrent devant une gargote graisseuse, un coiffeur, deux magasins d’antiquités, un commerce de fournitures agricoles, deux petits magasins et un bureau de poste avant de voir à environ trois kilomètres de là un édifice carré en briques sur le côté de la route. Une pancarte de style très militaire indiquait qu’il s’agissait du commissariat de police du comté de Staunton et de l’établissement pénitentiaire.

В« Tu avais dГ©jГ  vu Г§a ? В» demanda Ellington. В« Un commissariat de police et la prison du comtГ© dans le mГЄme Г©difice ? В»

« Oui, j’ai déjà vu ça au Nebraska, » dit-elle. « Je pense que c’est assez courant dans des endroits comme celui-ci. La prison la plus proche de Stateton se trouve à Petersburg et je pense que c’est à environ cent-vingt kilomètres de route d’ici. »

В« Et bien, cet endroit est vraiment minuscule. On devrait pouvoir Г©lucider cette affaire assez rapidement. В»

Mackenzie hocha la tête alors qu’Ellington s’engageait dans l’allée menant au parking du grand édifice en briques qui avait l’air d’avoir été construit au milieu de nulle part.

Ce qu’elle pensait mais ne voulait pas dire, c’était plutôt : J’espère que tu ne viens pas juste de nous porter la poisse.



***



Mackenzie sentit l’odeur du café et de produit nettoyant au moment où ils entrèrent dans le vestibule de l’édifice. L’intérieur du bâtiment était assez joli bien que l’édifice soit ancien. Son âge était visible par les crevasses au plafond et le besoin évident d’une nouvelle moquette dans le vestibule d’entrée. Un énorme bureau était appuyé contre le mur au fond et bien qu’il ait l’air aussi ancien que le reste de l’édifice, il avait l’air bien entretenu.

Une femme âgée était assise derrière le bureau et était occupée à fouiller dans un gros classeur. Quand elle entendit Mackenzie et Ellington entrer, elle les accueillit avec un large sourire très agréable mais qui trahissait aussi son âge. Mackenzie estima qu’elle devait avoir environ soixante-dix ans.

В« Vous ГЄtes les agents du FBI ? В» demanda la dame ГўgГ©e.

« Oui, madame, » dit Mackenzie. « Je suis l’agent White et voici mon partenaire, l’agent Ellington. Est-ce que le shérif est là ? »

« Oui, il est là, » dit-elle. « Et d’ailleurs, il m’a demandé de vous envoyer directement dans son bureau. Il a beaucoup d’appels à passer avec cet horrible meurtre. Il vous suffit de longer le couloir sur votre gauche. La porte de son bureau est la dernière sur la droite. »

Ils suivirent ses indications et alors qu’ils marchaient le long couloir qui menait vers l’arrière de l’édifice, Mackenzie fut surprise par le silence qu’il y régnait. En plein milieu d’une enquête sur un meurtre, elle s’était attendue à ce que le commissariat déborde d’activité même s’ils se trouvaient dans un petit trou perdu au fin fond de la Virginie.

Alors qu’ils se dirigeaient vers le fond du couloir, Mackenzie remarqua quelques panneaux qui avaient été accrochés aux murs. Sur l’un d’entre eux, elle y lut : La carte magnétique est obligatoire pour accéder à la prison. Et sur un autre : Toutes les visites à la prison doivent être approuvées par les officiers du comté ! L’approbation doit être montrée au moment de la visite !

Elle se mit à penser au nombre de règles et de dispositions qui avaient dû être mises en place afin qu’une prison et un commissariat puissent occuper le même espace. Elle trouvait ça fascinant. Mais avant qu’elle ne puisse y réfléchir davantage, ils atteignirent le fond du couloir.

En lettres dorées, peintes sur la partie supérieure vitrée de la porte, il était écrit Shérif Clarke. La porte était à moitié ouverte, alors Mackenzie la poussa lentement et entendit la voix d’un homme costaud. Quand elle regarda à l’intérieur, elle vit un homme robuste assis derrière un bureau, qui parlait d’une voix forte au téléphone. Un autre homme était assis sur une chaise dans un coin et tapait furieusement un message sur son téléphone portable.

L’homme assis derrière le bureau – et qui devait probablement être le shérif Clarke – s’interrompit au moment où elle ouvrit la porte.

В« Attends un instant, Randall, В» dit-il. Puis il couvrit le combinГ© du tГ©lГ©phone et regarda tour Г  tour Mackenzie et Ellington.

В« Vous ГЄtes du FBI ? В» demanda-t-il.

В« Oui, В» dit Ellington.

« Dieu merci, » soupira-t-il. « Donnez-moi juste un instant. » Il retira sa main du combiné et continua sa conversation téléphonique. « Écoute Randall, la cavalerie vient juste d’arriver. Je peux te rappeler dans un quart d’heure ? Oui ? OK, alors, à tout à l’heure. »

L’homme costaud raccrocha le téléphone et se dirigea vers eux. Il leur offrit une main charnue, en la tendant d’abord à Ellington. « Enchanté de vous rencontrer, » dit-il. « Je suis le shérif Robert Clarke. Et là, » dit-il, en montrant d’un signe de tête l’homme qui était assis dans un coin, « c’est l’officier Keith Lambert. Mon adjoint est sur le terrain pour l’instant et s’efforce de trouver une quelconque piste dans ce bordel. »

Quand il eut terminé de serrer la main d’Ellington, il faillit oublier Mackenzie et ne lui tendit la main qu’après coup. En la serrant, elle se présenta, espérant qu’il comprendrait ainsi qu’elle était tout aussi capable de mener une enquête que les hommes présents dans cette pièce. Elle eut soudain l’impression de revivre une de ces situations auxquelles elle n’avait été que trop habituée au Nebraska.

« Shérif Clarke, je suis l’agent White et voici l’agent Ellington. Allez-vous être notre personne de contact ici à Stateton ? »

« Mon chou, je vais faire office d’un peu près tout durant votre visite, » dit-il. « Les forces de police pour tout le comté s’élèvent exactement à douze personnes. Treize si vous comptez Frances qui est assise à la réception. Avec la folie meurtrière à laquelle on fait face, on est un peu court. »

В« Et bien, voyons ce que nous pouvons faire pour vous aider, В» dit Mackenzie.

« J’aimerais que ce soit aussi facile, » dit-il. « Même si nous résolvions cette affaire aujourd’hui même, je vais avoir la moitié du conseil des autorités de surveillance sur le dos. »

В« Et pourquoi Г§a ? В» demanda Ellington.

« Et bien, les journaux viennent d’apprendre qui est la victime. Ellis Ridgeway. La mère d’un connard de crétin de politicien. Certains pensent qu’il pourrait finir au sénat dans les cinq prochaines années. »

« Et de qui s’agit-il ? » demanda Mackenzie.

В« De Langston Ridgeway. Vingt-huit ans et il se prend pour le nouveau JFK. В»

В« Vraiment ? В» dit Mackenzie, un peu surprise que cette information ne leur ait pas Г©tГ© transmise dans le dossier.

« Et oui. Je ne comprends même pas comment les journaux locaux ont pu obtenir cette information. La majorité du temps, ils ne sont même pas capables d’écrire sans faute, mais ça, ils ne l’ont pas raté. »

« J’ai vu des panneaux pour la résidence Wakeman pour aveugles alors que nous étions en route, » dit Mackenzie. « Ce n’est qu’à dix kilomètres d’ici, c’est bien ça ? »

« Exactement, » dit Clarke. « Je parlais à l’instant avec Randall Jones, le gérant de la résidence. C’était avec lui que j’étais au téléphone quand vous êtes arrivés. Il est là-bas pour l’instant et disposé à répondre à toutes vos questions. Et le plus tôt sera le mieux. Des journalistes et quelques personnalités importantes n’arrêtent pas de l’appeler et de l’interroger au sujet de l’affaire. »

В« Allons-y, alors, В» dit Mackenzie. В« Vous nous accompagnez ? В»

« Impossible, mon chou. Je suis complètement submergé ici. Mais n’hésitez pas à revenir me voir quand vous aurez terminé avec Randall. J’essaierai de vous aider autant que possible mais franchement… je préférerais que vous puissiez dépatouiller tout ça vous-mêmes. »

« OK, » dit Mackenzie. Elle n’était pas sûre de savoir comment prendre Clarke. Il était vraiment direct et franc, ce qui était plutôt positif. Il avait l’air aussi d’aimer utiliser des gros mots. Et elle ne le prenait pas mal quand il l’appelait mon chou. Ça faisait plutôt partie de ce charme typique du Sud.

Et puis aussi, il Г©tait vraiment soumis Г  une Г©norme pression.

« Nous reviendrons dès que nous en aurons terminé à la résidence, » dit Mackenzie. « Mais n’hésitez pas à nous appeler si vous avez du neuf entre temps. »

В« Bien entendu, В» dit Clarke.

Dans son coin, toujours occupé à envoyer des messages, l’officier Lambert grogna en signe d’assentiment.

AprГЁs moins de trois minutes dans le bureau du shГ©rif Clarke, Mackenzie et Ellington retraversГЁrent le couloir qui donnait sur le vestibule. La femme ГўgГ©e, sГ»rement la Frances que Clarke avait mentionnГ©e, leur fit un petit geste rapide de la main quand ils sortirent.

« Et bien, c’était… intéressant, » dit Ellington.

В« Le type est dГ©bordГ©, В» dit-elle. В« Il faut comprendre. В»

« Tu l’aimes bien juste parce qu’il t’appelle mon chou, » dit Ellington.

В« Et alors ? В» dit-elle, en souriant.

« Et bien, si tu veux, je peux commencer à t’appeler mon chou. »

« Non, s’il te plaît, » dit-elle, en remontant en voiture.

Ellington roula durant un kilomètre sur la route 47, puis tourna à gauche sur une route secondaire. Ils virent tout de suite un panneau qui indiquait la résidence Wakeman. Alors qu’ils s’approchaient de la propriété, Mackenzie se demanda pourquoi un lieu aussi isolé avait été choisi pour une résidence pour aveugles. Il y avait sûrement une raison psychologique derrière tout ça. Peut-être que le fait d’être situés au milieu de nulle part aidait les pensionnaires à se détendre, loin des bruits constants de la ville.

Mais ce dont elle était certaine, c’était qu’elle se sentait de plus en plus coupée du reste du monde au fur et à mesure que la forêt s’épaississait autour d’eux. Et pour la première fois depuis très longtemps, elle en arriva presque à désirer revoir le paysage familier des champs de maïs de sa jeunesse.




CHAPITRE TROIS


La résidence Wakeman pour aveugles ne ressemblait pas du tout à ce que Mackenzie s’attendait. Comparé au bâtiment du commissariat et de la prison du comté de Staunton, la résidence Wakeman était une merveille de design et d’architecture moderne – comme Mackenzie put s’en rendre compte avant même d’entrer dans l’édifice.

La façade de l’édifice était faite de larges baies vitrées qui constituaient l’essentiel des murs. Alors qu’elle se trouvait encore dans l’allée qui menait vers l’entrée, Mackenzie pouvait déjà voir l’intérieur. Elle vit un grand vestibule qui ressemblait à celui qu’on trouve généralement à l’entrée des centres thermaux. L’aspect était agréable et accueillant.

Cette sensation ne fit que s’intensifier une fois qu’ils furent entrés dans le bâtiment. Tout avait l’air neuf et étincelant. Lors des recherches qu’elle avait faites durant le trajet pour Stateton, elle avait découvert que la résidence Wakeman pour aveugles avait été construite en 2007. Son installation avait été accueillie chaleureusement par la communauté du comté de Staunton car il avait permis de créer de nouveaux emplois. Mais aujourd’hui, bien qu’il soit toujours l’un des édifices les plus importants du comté, l’excitation du début avait décliné et la résidence semblait avoir été engloutie par le milieu rural qui l’environnait.

Une jeune femme était assise derrière un guichet arrondi le long du mur du fond. Elle leur sourit mais il était clair qu’elle avait un air inquiet. Mackenzie et Ellington s’approchèrent d’elle, se présentèrent et furent rapidement invités à s’asseoir dans la salle d’attente, le temps que Randall Jones vienne les chercher.

Il s’avéra très vite que Randall Jones était vraiment pressé de les rencontrer. Mackenzie était assise depuis seulement quelques secondes quand une double porte menant à l’arrière du bâtiment s’ouvrit de l’autre côté de la salle d’attente. Un homme de grande taille portant une chemise et un pantalon kaki en sortit. Il essaya de leur sourire au moment où il se présenta mais, tout comme la réceptionniste, il ne parvint pas à cacher le fait qu’il était très fatigué et inquiet.

В« Je suis content que vous soyez venus aussi vite, В» dit Jones. В« Le plus tГґt nous pourrons rГ©soudre cette affaire sera le mieux. Les rumeurs vont bon train dans le coin avec cette histoire. В»

« Nous aimerions également la résoudre aussi vite que possible, » dit Mackenzie. « Connaissez-vous l’endroit exact où le corps a été retrouvé ? »

« Oui. C’est une roseraie à environ cinq cents mètres d’ici. C’était normalement l’endroit où la résidence Wakeman aurait dû être construit mais d’obscures réglementations du comté sont venues mettre des bâtons dans les roues du projet. »

В« Pouvez-vous nous y emmener ? В» demanda Mackenzie.

В« Bien sГ»r, tout ce dont vous avez besoin. Venez avec moi. В»

Jones les guida à travers les doubles portes qu’il venait de traverser. De l’autre côté, il y avait une petite niche qui menait directement à l’intérieur de la résidence. Les premières portes à côté desquelles ils passèrent menaient à des bureaux et à des espaces de rangement, séparés des chambres des pensionnaires par un espace ouvert où un homme et une femme étaient assis derrière un guichet, un peu comme dans les hôpitaux.

Au moment où ils passèrent à côté des chambres, Mackenzie jeta un coup d’œil à l’intérieur de l’une d’entre elles dont la porte était ouverte. Les chambres étaient assez spacieuses et équipées de jolis meubles. Elle vit également des ordinateurs portables et des smartpads dans quelques-unes d’entre elles.

Bien que la résidence soit située au milieu de nulle part, on dirait que l’argent ne manque pas pour entretenir l’endroit, pensa-t-elle.

В« Combien de pensionnaires vivent dans la rГ©sidence ? В» demanda Mackenzie.

« Vingt-six, » dit-il. « Et ils viennent d’un peu partout. Nous avons un homme âgé qui est venu spécialement de Californie car nous offrons un service exceptionnel et une très bonne qualité de vie. »

« Excusez-moi si ma question peut vous paraître stupide, » dit Mackenzie, « mais quel genre d’activités font-ils ? »

« Et bien, nous proposons toute une série de cours qui couvrent un large éventail de centres d’intérêt. Bien sûr, la plupart doivent être adaptés pour répondre à leurs besoins. Nous avons des cours de cuisine, des programmes d’exercice, un club de jeu de société, des clubs divers, des cours de jardinage, de bricolage, des choses dans le genre. Nous organisons également des sorties quelques fois par an, afin de leur permettre de faire de la randonnée ou de la nage. Nous avons même deux courageux qui sortent en canoë à chaque fois que nous faisons ces excursions. »

En entendant tout ça, Mackenzie fut assez surprise. Elle n’avait jamais imaginé que des personnes complètement aveugles puissent avoir des hobbies comme la natation ou le canoë.

Au moment où ils atteignirent le bout du couloir, Jones les guida vers un ascenseur. Quand ils furent à l’intérieur et qu’ils descendirent à l’étage inférieur, Jones s’appuya contre le mur, visiblement épuisé.

В« Monsieur Jones, В» dit Mackenzie, В« Savez-vous comment les journaux locaux ont pu ГЄtre aussi rapidement au courant du meurtre ? В»

« Je n’en ai aucune idée, » dit-il. « C’est une des raisons pour laquelle je suis aussi fatigué. J’ai interrogé tout mon personnel à fond. Mais je n’ai rien découvert. Il y a certainement une fuite mais je n’ai aucune idée d’où elle vient. »

Mackenzie hocha la tête. Ce n’est pas vraiment un souci en soi, pensa-t-elle. Une fuite dans une petite ville comme celle-là est presqu’une certitude. Mais il ne faut pas que ça vienne freiner l’enquête par contre.

L’ascenseur s’arrêta et les portes s’ouvrirent sur une sorte de petit rez-de-chaussée. Quelques chaises étaient dispersées ici et là mais Jones les mena directement vers une porte qui se trouvait droit devant eux. Ils sortirent à l’air libre et Mackenzie réalisa qu’ils se trouvaient à l’arrière de l’édifice, face au parking des employés.

Randall les emmena jusqu’à sa voiture et quand ils y entrèrent, il mit tout de suite l’air conditionné en route. Il faisait chaud comme dans un four à l’intérieur du véhicule mais la climatisation fit directement effet.

« Comment madame Ridgeway est-elle parvenue jusqu’à la roseraie ? » demanda Ellington.

« Et bien, du fait que nous soyons au milieu de nulle part, nous accordons une certaine liberté à nos pensionnaires. Nous avons un couvre-feu à vingt et une heures en été – qui est réduit à dix-huit heures en automne et en hiver quand il fait noir plus tôt. La roseraie à laquelle nous allons est un endroit auquel se rendent parfois certains pensionnaires pour prendre l’air. Comme vous le verrez, c’est une courte promenade sans aucun risque. »

Randall fit une marche arrière pour sortir du parking et s’engagea sur la route. Il prit la direction opposée à celle qui menait au commissariat de police, sur un tronçon de route de Mackenzie et Ellington ne connaissaient pas encore.

La route s’enfonçait encore plus profondément dans les bois. À peine trente secondes plus tard, Mackenzie aperçut le portail en fer forgé qui donnait accès à la roseraie. Randall se gara sur un petit parking où se trouvaient seulement trois autres voitures, dont l’une était une voiture de police sans personne à l’intérieur.

В« Le shГ©rif Clarke et ses hommes Г©taient ici la nuit derniГЁre et ce matin, В» dit Randall. В« Quand il a su que vous alliez arriver, il a fait Г©vacuer ses hommes afin de vous laisser le champ libre. В»

В« Une dГ©cision que nous apprГ©cions vraiment, В» dit Mackenzie, en sortant du vГ©hicule sous une chaleur Г©touffante.

« Nous savons avec certitude que c’est le dernier endroit où Ellis Ridgeway s’est rendue, » dit Randall. « Elle est passée devant deux autres pensionnaires au moment où elle est sortie, et je l’ai également vue partir de la résidence. Les caméras de sécurité confirment doublement ce fait. Elle se rendait visiblement dans cette direction – et tout le monde à la résidence savait qu’elle aimait venir se balader jusqu’ici le soir. Elle le faisait au moins quatre à cinq fois par semaine. »

« Et il n’y avait personne avec elle ? » demanda Mackenzie.

« Personne de la résidence. Franchement, la plupart des gens n’ont pas vraiment envie d’aller se balader en plein été. Je suis sûr que vous avez remarqué qu’on subit pour l’instant une forte vague de chaleur. »

Alors qu’ils s’approchaient du côté Est du jardin, Mackenzie fut envahie par les odeurs enivrantes de fleurs. Elle reconnut des roses, des hortensias et de la lavande. Elle pouvait facilement imaginer qu’il s’agisse là d’un endroit bien agréable pour une personne aveugle – une façon de profiter pleinement de tous les autres sens.

Lorsqu’ils atteignirent un tournant du sentier qui menait plus profondément vers le côté de la roseraie, Jones se retourna et pointa un doigt derrière eux. « Si vous regardez à travers ces arbres de l’autre côté de la route, vous pouvez voir l’arrière de la résidence Wakeman, » dit-il tristement. « Elle était vraiment très près de nous quand elle est morte. »

Puis il sortit du sentier et passa à côté de deux grands pots de fleurs contenant des roses rouges. Mackenzie et Ellington le suivirent. Ils arrivèrent à un portail arrière qui était partiellement dissimulé par toutes les fleurs, les arbres et la végétation. Il y avait un espace vide d’environ quatre mètres, envahi de mauvaises herbes.

En traversant cet espace, Mackenzie put facilement imaginer qu’il s’agisse là d’un endroit parfait pour un meurtre. Randall Jones l’avait dit lui-même – personne ne venait jusqu’ici quand il faisait aussi chaud. L’assassin le savait probablement et avait utilisé cette information à son avantage.

« C’est ici que je l’ai trouvée, » dit Jones, en montrant du doigt l’espace vide entre les gros pots de fleurs et le portail noir en fer forgé. « Elle était couchée sur le ventre et pliée légèrement en deux. »

« C’est vous qui l’avez trouvée ? » demanda Ellington.

« Oui. Vers vingt et une heures quarante-cinq hier soir. Quand elle n’est pas rentrée à l’heure du couvre-feu, j’ai commencé à m’inquiéter. Après une demi-heure, je me suis dit qu’il valait mieux que je vienne voir si elle n’était pas tombée quelque part ou si elle ne s’était pas perdue. »

В« Elle avait toujours tous ses habits ? В» demanda Mackenzie.

« Oui, je pense que oui, » dit Randall, visiblement surpris par la question. « Mais sur le moment, ce n’est pas non plus la première chose que j’ai pensé à vérifier. »

« Et il n’y a absolument personne d’autre qui apparaît sur les enregistrements des caméras de surveillance de la résidence ? » demanda Ellington. « Personne ne la suivait ? »

В« Personne. Vous pourrez visionner les enregistrements vous-mГЄmes quand nous rentrerons. В»

Alors qu’ils rebroussaient chemin à travers la roseraie, Ellington posa une question qui turlupinait Mackenzie depuis déjà quelques minutes. « La résidence a vraiment l’air très calme aujourd’hui. C’est toujours comme ça ? »

« J’imagine qu’on peut dire que c’est une période de deuil. Notre communauté est très soudée à Wakeman et Ellis était vraiment très appréciée. Très peu de nos pensionnaires sont sortis de leur chambre aujourd’hui. De plus, nous les avons également informés que des agents de Washington allaient venir enquêter sur le meurtre d’Ellis. Depuis lors, plus personne n’est sorti de sa chambre. J’imagine qu’ils ont peur… qu’ils sont paniqués. »

Ça, plus le fait que personne ne l’ait suivie quand elle est sortie de la résidence, élimine la possibilité que l’assassin soit un pensionnaire, pensa Mackenzie. Le maigre dossier qu’ils avaient reçu sur la première victime indiquait que le meurtre avait eu lieu entre vingt-trois heures et minuit… et à une bonne distance de Stateton.

В« Serait-il possible que nous parlions avec certains de vos pensionnaires ? В» demanda Mackenzie.

« Je n’ai aucun problème avec ça, » dit Jones. « Mais bien entendu, s’ils sont mal à l’aise à l’idée que vous les interrogiez, je devrai vous demander d’arrêter. »

« Bien sûr. Je pense que je pourrais… »

Elle fut interrompue par la sonnerie de son téléphone. Elle y jeta un œil et vit qu’il s’agissait d’un numéro inconnu.

В« Un instant, В» dit-elle, en dГ©crochant. Elle tourna le dos Г  Jones et rГ©pondit : В« Agent White. В»

« Agent White, c’est le shérif Clarke. Écoutez, je sais que vous venez juste de partir mais ce serait vraiment bien si vous pouviez revenir au commissariat aussi vite que possible. »

В« Bien sГ»r. Tout va bien ? В»

« Ça pourrait aller mieux, » dit-il. « Je viens d’avoir la visite de cet inutile de Langston Ridgeway, il veut parler avec vous concernant l’enquête sur le meurtre de sa mère et il commence à causer un peu un esclandre. »

Même au fin fond des bois, pas moyen d’échapper à la politique, pensa Mackenzie.

ExaspГ©rГ©e, elle fit de son mieux pour rГ©pondre sur un ton professionnel. В« On sera lГ  dans une dizaine de minutes, В» dit-elle et elle raccrocha.

В« Monsieur Jones, il faut que nous retournions chez le shГ©rif, В» dit-elle. В« Pourriez-vous prГ©parer ces enregistrements des camГ©ras de sГ©curitГ© pour quand nous reviendrons ? В»

В« Bien sГ»r, В» dit Randall, en les accompagnant vers sa voiture.

« Et entre temps, » ajouta Mackenzie, « pourriez-vous également préparer une liste de toutes les personnes au sujet desquelles vous pourriez avoir le moindre soupçon ? Tant du côté des employés que des pensionnaires. Des gens qui connaîtraient par exemple la portée des caméras de sécurité dans le jardin. »

Jones hocha de la tête d’un air sombre. Mackenzie put voir sur son visage que c’était une idée qu’il avait lui-même prise en compte mais à laquelle il n’avait pas vraiment voulu croire. Cette expression ne le quitta pas lorsqu’il démarra la voiture pour les ramener à la résidence Wakeman. Sur le trajet, Mackenzie put à nouveau remarquer le silence et la tranquillité qui régnaient dans la petite ville – un peu comme le calme avant la tempête.






CHAPITRE QUATRE


La première image qui vint en tête à Mackenzie au moment où elle vit Langston Ridgeway fut qu’il ressemblait beaucoup à une mante religieuse. Il était grand et maigre, et il bougeait les bras comme de bizarres petites pinces quand il parlait. Le fait qu’il ait les yeux rouges de colère et hurle sur tous ceux qui essayaient de lui parler n’arrangeait pas les choses.

Le shérif Clarke les avait fait rentrer dans la petite salle de conférence qui se trouvait au bout du couloir – une pièce qui n’était pas beaucoup plus grande que son bureau. Langston Ridgeway se tenait là, grand comme une perche devant les portes fermées, et faisait passer sa colère sur Mackenzie et Ellington.

« Ma mère est morte, » gémit-il, « et j’aurais plutôt tendance à blâmer l’incompétence du personnel de cette fichue résidence. Et puisque ce semblant de shérif refuse de me laisser parler en personne avec Randall Jones, j’aimerais vraiment beaucoup savoir ce que vous comptez faire à ce sujet. »

Mackenzie attendit un instant avant de répondre. Elle essayait d’évaluer l’intensité de son chagrin. Avec la manière dont il se comportait, il était difficile de savoir si sa colère était provoquée par la perte d’un être cher ou s’il était juste une personne exécrable habituée à hurler des ordres aux autres. Pour l’instant, elle n’était pas certaine de le savoir.

« Pour être tout à fait honnête, » dit Mackenzie, « je suis assez d’accord avec le shérif. Pour l’instant, vous êtes en colère et vous souffrez. Et on dirait que vous cherchez à trouver un responsable. Je suis vraiment désolée pour votre perte. Mais le pire que vous puissiez faire maintenant serait d’attaquer la direction de la résidence. »

« Trouver un responsable ? » dit Ridgeway, visiblement habitué à ce que ses interlocuteurs se contentent de hocher la tête et être d’accord avec lui. « Si cet endroit est responsable de ce qui est arrivé à ma mère, alors je… »

« Nous avons rendu visite à la résidence et nous avons déjà parlé avec monsieur Jones, » dit Mackenzie, en l’interrompant. « Je peux vous assurer que ce qui est arrivé à votre mère est lié à des sources extérieures. Et si jamais il s’avérait que ce soit en interne, alors monsieur Jones n’en a certainement aucune connaissance. Ça, je peux vous l’assurer. »

Mackenzie fut incapable de dire si l’expression de surprise qui se peignit sur le visage de Ridgeway était due au fait qu’elle ne soit pas d’accord avec lui ou au fait qu’elle l’ait interrompu.

В« Et vous avez Г©tГ© capable de dГ©duire tout Г§a aprГЁs une seule conversation ? В» demanda-t-il, visiblement sceptique.

« Oui, » dit-elle. « Mais bien entendu, cette enquête n’en est qu’aux balbutiements, alors je ne peux encore être certaine de rien. Mais ce dont je suis sûre, c’est qu’il est très difficile pour moi de mener une enquête quand un appel me force à quitter une scène de crime, juste pour venir écouter des personnes hurler et se plaindre. »

Elle pouvait littГ©ralement sentir la colГЁre gronder en lui. В« Je viens juste de perdre ma mГЁre, В» dit-il dans un murmure. В« Je veux des rГ©ponses. Je veux que justice soit faite. В»

« Tant mieux, » dit Ellington. « C’est ce que nous voulons aussi. »

« Mais afin d’y arriver, » dit Mackenzie, « il faut que vous nous laissiez travailler. Je comprends que vous jouissiez d’une certaine influence dans le coin, mais honnêtement, je m’en fiche. Nous avons un boulot à faire et nous ne pouvons pas nous permettre que votre colère, votre douleur ou votre arrogance viennent nous rendre la tâche plus difficile. »

Durant tout leur Г©change, le shГ©rif Clarke Г©tait restГ© assis Г  la petite table de la salle de confГ©rence. Il faisait de son mieux pour contenir un sourire.

Ridgeway resta silencieux durant un moment. Il regarda tour à tour les agents et le shérif Clarke. Il hocha la tête et lorsqu’une larme coula le long de sa joue, il eut l’air sincèrement triste. Mais la colère était toujours bien présente dans ses yeux, à peine dissimulée.

« Je suis sûr que vous avez l’habitude de donner des ordres aux suspects et aux flics de petites villes, » dit Langston Ridgeway. « Mais que ce soit bien clair entre nous… Si vous baissez les bras sur ce coup-là, ou si vous me manquez encore une seule fois de respect, je passerai un coup de fil à Washington. Je parlerai avec votre supérieur et c’en sera fini de vous. »

Ce qui est le plus triste dans tout ça, c’est qu’il pense vraiment avoir les ressources pour parvenir à ce genre de choses, pensa Mackenzie. Et peut-être qu’il les a. Mais j’adorerais vraiment être une petite souris et entendre ce que McGrath aura à dire au moment où un type tel que Langston Ridgeway se mettra à lui hurler dessus.

Plutôt que d’envenimer la conversation, Mackenzie choisit de rester silencieuse. Elle regarda derrière elle et vit qu’Ellington serrait et desserrait les poings… un petit truc auquel il avait recours quand il était sur le point d’entrer dans une colère irrationnelle.

Mackenzie finit par dire, « Si vous nous laissez faire notre boulot librement, il n’y a aucune raison pour qu’on en arrive là. »

Il était clair que Ridgeway cherchait à ajouter quelque chose. Mais tout ce qu’il put articuler fut un pffff étouffé. Là-dessus, il leur tourna le dos et quitta la pièce. On aurait vraiment dit un petit garçon au milieu d’une crise de colère.

Quelques instants plus tard, le shérif Clarke se pencha en avant et soupira. « Maintenant, vous voyez le genre de choses auxquelles je suis confronté. Ce type pense que le monde tourne autour de son nombril. Et il peut parler tant qu’il veut du fait d’avoir perdu sa mère. Tout ce qui le tracasse, c’est que les médias des grandes villes apprennent qu’il l’a abandonnée dans une résidence… même si c’est une jolie résidence. Il se préoccupe beaucoup plus de son image que de toute autre chose. »

« Oui, il m’a fait la même impression, » dit Ellington.

« Pensez-vous qu’il risque de continuer à nous mettre des bâtons dans les roues ? » demanda Mackenzie.

« Je n’en sais rien. Il est imprévisible. Il fera tout ce qu’il pense être nécessaire afin d’améliorer ses chances d’attirer l’attention du public, d’obtenir plus de votes et lui permettre d’atteindre la position qu’il recherche. »

« OK, alors, » dit Mackenzie, « shérif, si vous avez une minute, pourrait-on s’asseoir et passer en revue les éléments dont nous disposons ? »

« Ça ne prendra pas très longtemps, » dit-il. « Car il n’y en a pas beaucoup. »

« C’est toujours mieux que rien, » dit Ellington.

Clarke hocha la tГЄte et se leva. В« Alors, venez dans mon bureau, В» dit-il.

Alors qu’ils redescendaient le petit couloir, Mackenzie et Ellington sursautèrent légèrement quand Clarke cria, « Hé, Frances ! Pourrais-tu nous préparer une cafetière, mon chou ? »

Mackenzie et Ellington échangèrent un regard perplexe. Elle commençait à vraiment apprécier le shérif Clarke et la manière dont il gérait les choses. Et bien qu’il soit un peu direct, elle l’aimait plutôt bien – mis à part les gros mots et son côté sexiste.

Au moment où la nuit commençait à tomber, Mackenzie et Ellington se rassemblèrent autour du bureau de Clarke afin de passer en revue les informations dont ils disposaient concernant l’affaire.




CHAPITRE CINQ


Un peu avant que Frances ne vienne leur apporter le café, l’officier Lambert entra dans le bureau. Maintenant qu’il n’était plus occupé à écrire des messages sur son téléphone, Mackenzie put voir qu’il s’agissait d’un jeune homme qui devait avoir une trentaine d’années. Elle trouvait bizarre qu’un officier fasse office de bras droit à Clarke plutôt qu’un adjoint, mais elle ne s’arrêta pas trop longtemps sur cette idée.

Petite ville, pensa-t-elle.

Ils s’assirent tous les quatre autour du bureau de Clarke et passèrent en revue le matériel de l’enquête. Clarke eut l’air plus que ravi de laisser Mackenzie prendre les commandes. Elle était contente de voir qu’il semblait avoir rapidement changé d’avis… et qu’il l’acceptait comme son égal.

« Alors, commençons par le crime le plus récent, » dit-elle. « Ellis Ridgeway. Cinquante-sept ans. Comme j’ai déjà pu le constater, elle avait un fils très arrogant et imbu de lui-même. À part le fait qu’elle soit aveugle, que pouvez-vous nous dire de plus à son sujet ? »

« C’est à peu près tout ce qu’on sait, » dit Clarke. « C’était une femme charmante. D’après ce que j’ai pu comprendre, tout le monde à la résidence l’adorait. Ce qui me fait le plus peur dans tout ça, c’est que l’assassin devait connaître ses habitudes, non ? Il devait savoir qu’elle était sortie de la résidence pour pouvoir la cibler de cette manière. »

« C’est également une conclusion à laquelle j’avais pensé, » dit Mackenzie. « Mais si ces assassinats ont un lien entre eux – et on dirait vraiment qu’il y en a un – cela impliquerait beaucoup de déplacements de la part d’une personne du coin. L’autre meurtre a eu lieu à quoi… à deux heures et demie de route ? »

В« Presque trois, В» dit Clarke.

« Exactement, » dit Mackenzie. « Vous savez, durant un moment, j’ai même considéré que l’assassin puisse être un autre pensionnaire mais nous avons reçu confirmation par Randall Jones que personne ne l’avait suivie hier. Il y a apparemment un enregistrement vidéo qui le confirme et que nous n’avons pas encore pu visionner, suite à l’interférence de Langston Ridgeway. Et quant à des pensionnaires ou des employés quittant la résidence quand madame Ridgeway était absente, il n’y a aucune preuve montrant que qui que ce soit soit sorti durant ce laps de temps – aucun pensionnaire, aucun employé, personne. »

В« Puis, pour revenir Г  la premiГЁre victime, В» dit Ellington, В« nous allons aussi aller parler aux membres de sa famille. Que pouvez-vous nous dire Г  son sujet, shГ©rif ? В»

« Et bien, c’était une autre résidence pour aveugles, » dit-il. « Et tout ce que j’en sais se trouve certainement dans le dossier que vous avez reçu. Comme je vous le disais, il se trouve à presque trois heures de route d’ici, presqu’en Virginie de l’Ouest. Un endroit un peu délabré, d’après ce que j’ai pu comprendre. Pas vraiment une résidence, mais plutôt une sorte d’école, je crois. »

Il fit glisser une feuille de papier à Mackenzie. Il s’agissait du bref rapport de police concernant la première scène de crime. C’était dans une ville du nom de Treston, à environ quarante kilomètres de Bluefield, en Virginie de l’Ouest. Kenneth Able, de trente-huit ans, avait été étranglé. Il présentait de légères abrasions autour des yeux. Il avait été retrouvé caché dans l’armoire de la pièce où il restait la plupart du temps à l’intérieur de la résidence.

Les faits avaient été consignés de manière robotique, sans aucun détail. Bien qu’il y ait des notes indiquant que l’enquête était en cours, Mackenzie doutait que ce soit vraiment pris au sérieux.

Mais à mon avis, maintenant, c’est le cas, pensa-t-elle.

Le deuxième meurtre était trop explicite pour être ignoré. Les victimes présentaient beaucoup trop de similitudes, tout comme les signes d’agression présents sur les corps.

« J’ai demandé à Randall Jones de dresser une liste des employés ou autres personnes liées à la résidence sur lesquels il pourrait éventuellement avoir le moindre doute, » dit Mackenzie. « Je pense que ce que nous avons de mieux à faire maintenant, c’est de parler avec cet endroit à Treston et de voir s’il y a un quelconque lien. »

« L’inconvénient, c’est que Treston n’est pas la porte à côté, » dit Ellington. « Même si ça finissait par être du gâteau, il va falloir prendre en compte les déplacements. On dirait qu’il va être difficile d’élucider cette affaire aussi vite que ne le voudrait notre cher monsieur Ridgeway. »

« Quand est-ce que les médecins légistes auront terminé d’examiner madame Ridgeway ? » demanda Mackenzie.

« Je devrais recevoir leurs résultats d’ici quelques heures, » dit Clarke. « Un premier examen n’a cependant rien dévoilé de spécial. Aucune empreinte, pas de cheveux ou autres qui auraient pu être laissés par l’assassin. »

Mackenzie hocha la tête et regarda à nouveau les dossiers de l’enquête. Alors qu’elle était occupée à les repasser en revue, son téléphone se mit à sonner. Elle le sortit et décrocha : « Agent White. »

« C’est Randall Jones. J’ai préparé une liste de noms pour vous, comme vous me l’aviez demandé. Mais elle est courte et je suis à peu près sûr qu’il s’avèrera très vite qu’ils n’ont rien à voir avec cette affaire. »

В« Qui sont-ils ? В»

« Il y a un type de l’équipe de maintenance qui n’est pas très fiable. Il a travaillé toute la journée hier et il est parti juste avant dix-sept heures. J’ai demandé un peu à tout le monde et personne ne l’a vu revenir. Il y a un autre type qui travaille pour un organisme de services sociaux. Il vient parfois pour jouer à des jeux de société avec les pensionnaires et pour papoter avec eux. Il fait aussi parfois quelques travaux de bénévolat, comme un peu de nettoyage ou bouger des meubles. »

« Pourriez-vous m’envoyer leurs noms et leurs coordonnées ? »

« Bien sûr, » dit Jones, visiblement contrarié d’avoir à seulement considérer un seul de ces hommes comme suspect potentiel.

Mackenzie raccrocha et regarda les trois hommes qui se trouvaient dans la pièce. « C’était Jones et il m’a parlé de deux candidats potentiels. Un travailleur de maintenance et quelqu’un qui vient faire du volontariat et passer du temps avec les pensionnaires. Shérif, il va m’envoyer un message avec leurs noms. Pourriez-vous vérifier leurs antécédents et… »

Son téléphone bipa au moment où elle reçut le message en question. Elle montra les noms au shérif Clarke et il haussa les épaules, l’air abattu.

« Le premier nom de la liste, Mike Crews, est le gars de la maintenance, » dit-il. « Je peux vous assurer qu’il n’était pas occupé à assassiner qui que ce soir hier soir après le boulot car j’ai pris une bière avec lui au Rock’s Bar. C’était juste après qu’il se soit rendu chez Mildred Cann pour réparer gratuitement son air conditionné. Je peux vous dire tout de suite que Mike Crews n’est pas notre homme. »

« Et concernant l’autre nom ? » demanda Ellington.

« Robbie Huston, » dit-il. « Je ne l’ai jamais vu qu’en coup de vent. Je suis presque certain qu’il est envoyé par une sorte d’organisme de services sociaux de Lynchburg. Mais d’après ce que j’en sais, il est considéré comme un saint à la résidence. Il fait la lecture aux pensionnaires et est vraiment très gentil. Comme je vous le disais, il vient de Lynchburg. C’est à peu près à une heure et demie de route d’ici – sur la route qui vous mènera à Treston, d’ailleurs. »

Mackenzie baissa les yeux vers le message de Jones et sauvegarda le numéro qu’il lui avait envoyé pour Robbie Huston. C’était une maigre piste, mais c’était toujours ça.

Elle jeta un coup d’œil à sa montre et vit qu’il était presque dix-huit heures. « Quand est-ce que votre adjoint et les autres policiers sont-ils supposés rentrer ? » demanda-t-elle.

« Bientôt. Mais personne ne m’a encore appelé avec du neuf. Je vous tiendrai au courant si vous voulez y aller et prendre un peu vos repères. »

В« OK, В» dit Mackenzie.

Elle rassembla les dossiers de l’enquête et se leva. « Merci pour votre aide cet après-midi, » dit Mackenzie.

« Pas de problèmes. Mais j’aimerais pouvoir en faire plus. Si vous voulez, je peux demander à la police d’État de venir donner un coup de main. Ils étaient ici ce matin mais ils se sont très vite dispersés. Je pense que quelques-uns d’entre eux vont quand même rester en ville pendant un jour ou deux. »

« Si ça s’avère nécessaire, je vous le dirai, » dit Mackenzie. « Bonne nuit, messieurs. »

Sur ces mots, elle sortit avec Ellington. Le vestibule d’entrée était maintenant désert, Frances ayant apparemment terminé sa journée.

Sur le parking, Ellington hésita un instant au moment où il sortit les clés de sa poche. « On va à l’hôtel ou on va jusqu’à Lynchburg ? » demanda-t-il.

Elle y réfléchit durant un instant et, bien qu’elle soit tentée de continuer l’enquête même s’il commençait à être tard, elle estima qu’essayer de joindre Robbie Huston par téléphone serait tout aussi productif qu’un voyage jusqu’à Lynchburg. De plus, elle commençait à être convaincue que le shérif Clarke savait ce qu’il faisait – et s’il n’avait pas vraiment émis de réserves à l’encontre de Huston, alors elle allait se fier à son avis pour l’instant. C’était un des avantages d’enquêter dans une petite ville – où tout le monde se connaissait presque de manière intime, les opinions et l’instinct de la police locale étaient souvent très fiables.

Mais ça vaut quand même la peine de lui passer un coup de fil dès qu’on sera à l’hôtel, pensa-t-elle.

« Hôtel, » dit-elle. « Si je n’obtiens pas les infos dont j’ai besoin après lui avoir passé un coup de fil ce soir, on s’arrêtera à Lynchburg demain. »

В« Sur la route pour Treston ? Г‡a va faire beaucoup de dГ©placements. В»

Elle hocha la tête. Ça allait faire beaucoup de va-et-vient, de fait. Peut-être qu’il vaudrait mieux qu’ils se séparent demain. Mais ils pourraient parler stratégie une fois qu’ils seraient installés à l’hôtel avec les dossiers de l’enquête devant eux et sous la brise rafraîchissante de la clim.

Pourtant jamais vraiment tentée par le luxe, l’idée de la clim sous cette chaleur oppressante était irrésistible. Ils montèrent dans la voiture qui avait surchauffé au soleil, Ellington baissa les vitres et ils se dirigèrent vers l’Ouest, vers le centre de Stateton.



***



Le seul motel de Stateton Г©tait un petit bГўtiment carrГ© Г©tonnamment bien entretenu, du nom de Staunton County Inn. Il ne comptait que douze chambres, dont neuf Г©taient libres au moment oГ№ Mackenzie entra dans le vestibule et demanda une chambre pour la nuit. Maintenant que McGrath Г©tait au courant de leur relation, ils ne devaient plus se prГ©occuper de louer deux chambres juste pour sauver les apparences. Ils rГ©servГЁrent une seule chambre avec un lit et, aprГЁs une journГ©e stressante de route sous le soleil, ils en firent bon usage dГЁs que la porte se referma derriГЁre eux.

Après coup, alors que Mackenzie se douchait, elle ne put s’empêcher d’apprécier la sensation agréable de se sentir désirée. Mais c’était plus que cela ; le fait qu’ils aient commencé à enlever leurs vêtements dès le moment où ils s’étaient retrouvés seuls avec accès à un lit, lui donnait l’impression d’avoir dix ans de moins. C’était une sensation agréable mais qu’elle s’efforçait tout de même de contrôler. Oui, bien sûr, elle aimait beaucoup être avec Ellington, et ce qu’il y avait entre eux était l’une des choses les plus excitantes et les plus prometteuses qui lui soit arrivée ces dernières années, mais elle savait également qu’elle devait être prudente et éviter que ça interfère avec son travail.

Elle avait l’impression qu’il en était également conscient. Il risquait les mêmes choses qu’elle : sa réputation, les moqueries et le chagrin. Bien que dernièrement, elle ne soit plus vraiment certaine qu’il se préoccupe autant d’avoir du chagrin. Maintenant qu’elle commençait à mieux le connaître, elle était certaine qu’Ellington n’était pas le genre de type à coucher ailleurs ou à mal se comporter avec les femmes, mais elle savait également qu’il venait de sortir d’un mariage qui avait échoué et qu’il était très prudent concernant leur relation – si c’était comme ça qu’ils décidaient de l’appeler.

Elle avait l’impression qu’Ellington ne serait pas complètement dévasté si leur relation prenait fin. Quant à elle… et bien, elle n’était pas vraiment certaine de savoir comment elle le prendrait.

Au moment où elle sortit de la douche pour se sécher, elle vit Ellington qui se tenait là, dans la salle de bains. Apparemment, il avait projeté de venir la rejoindre dans la douche mais il venait juste de rater l’occasion. Il la regardait de la manière un peu sournoise qu’il avait de le faire mais il y avait également quelque chose de plus concret dans son regard – une expression qu’elle commençait à considérer comme son « air de travail. »

В« Oui ? В» lui demanda-t-elle, sur un ton enjouГ©.

« Demain… Ce n’est pas vraiment ce que je veux faire, mais peut-être qu’il faudrait qu’on se sépare. L’un d’entre nous va jusqu’à Treston pendant que l’autre reste ici et travaille avec la police locale et le médecin légiste. »

Elle sourit, en constatant combien ils pouvaient parfois ГЄtre synchronisГ©s. В« Je pensais exactement la mГЄme chose. В»

В« Tu as une prГ©fГ©rence ? В» demanda-t-il.

« Pas vraiment. J’irai à Lynchburg et à Treston. Ça ne me dérange pas de conduire. »

Elle pensa qu’il allait réclamer et voudrait plutôt prendre la journée sur les routes. Elle savait qu’il n’aimait pas particulièrement conduire mais il n’aimait pas non plus l’idée de la savoir toute seule sur les routes.

« OK, » dit-il. « Si on pouvait en fin de journée avoir obtenu de nouvelles informations de la résidence à Treston et du neuf de la part du légiste ici, peut-être qu’on pourrait élucider rapidement cette affaire, comme tout le monde a l’air de le vouloir. »

« Super, » dit-elle. Elle l’embrassa au moment où elle passa à côté de lui.

Une pensée lui traversa l’esprit au moment où elle retournait dans la chambre. Une pensée qu’elle ne pouvait pas ignorer et qui lui fit presque mal au cœur.

Et s’il ne ressentait pas pour moi les mêmes choses que je ressens pour lui ?

Il avait été légèrement plus distant depuis une semaine et bien qu’il ait fait de son mieux pour le lui dissimuler, elle l’avait de temps en temps ressenti.

Peut-être qu’il réalise combien cela pourrait affecter notre boulot.

C’était une bonne raison – une raison à laquelle elle pensait elle-même bien souvent. De toute façon, ce n’était pas le moment de se préoccuper de ça. Avec un rapport de médecin légiste sur le point d’être connu, cette affaire pouvait très rapidement s’accélérer. Et elle savait que si son esprit était déconcentré par Ellington et par ce qu’ils représentaient l’un pour l’autre, elle pourrait complètement passer à côté de l’enquête.




CHAPITRE SIX


Quand ils se quittèrent le lendemain matin, Mackenzie fut surprise de constater qu’Ellington avait l’air particulièrement maussade. Il l’embrassa un peu plus longtemps que d’habitude dans la chambre d’hôtel et il eut l’air plutôt déprimé quand elle le déposa au commissariat de Stateton. Elle lui fit signe à travers le pare-brise au moment où il entrait dans le bâtiment et reprit la route avec un trajet de deux heures quarante devant elle.

Comme elle passait à travers bois, elle n’eut pas tout de suite de signal sur son téléphone. Elle ne put appeler le deuxième suspect potentiel de Jones, Robbie Huston, qu’une fois qu’elle fut à quinze kilomètres de la ville de Stateton. Quand elle parvint finalement à passer l’appel, il décrocha à la deuxième sonnerie.

В« AllГґ ? В»

В« Est-ce que vous ГЄtes Robbie Huston ? В» demanda-t-elle.

« Oui, c’est moi. Qui le demande ? »

« C’est l’agent Mackenzie White du FBI. Je me demandais si je pourrais venir vous rendre visite ce matin. »

« Euh… Est-ce que je peux vous demander à quel sujet ? »

Sa surprise avait l’air vraiment réelle. Elle pouvait le sentir à travers le téléphone.

« C’est concernant une pensionnaire de la résidence Wakeman pour aveugles. Je pense que vous la connaissez. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus par téléphone. Si vous pouviez me consacrer cinq à dix minutes de votre temps, je vous serais vraiment reconnaissante. Je serai à Lynchburg dans environ une heure. »

В« Bien sГ»r, В» dit-il. В« Je travaille de chez moi, alors vous pouvez passer par mon appartement si vous le souhaitez. В»

Elle raccrocha après qu’il lui ait donné son adresse. Elle l’introduisit dans son GPS et fut soulagée de voir que le détour ne rallongerait son trajet que de vingt minutes.

Sur la route vers Lynchburg, ses pensées s’écartèrent de l’enquête en cours et furent totalement absorbées par les centaines de questions sans réponses concernant la mort de son père et le meurtre plus récent qui avait rouvert l’enquête. Pour une raison qu’elle ne comprenait pas, ceux qui avaient tué son père avaient tué une autre personne d’une manière très similaire.

Et ils avaient Г  nouveau laissГ© une carte de visite Г©nigmatique derriГЁre eux. Mais pourquoi ?

Elle avait passé des semaines à essayer de comprendre ce que ça pouvait bien signifier. Peut-être que l’assassin était tout simplement très sûr de lui. Ou peut-être que les cartes de visite étaient supposées mener les enquêteurs dans une autre direction… comme un genre de jeu tordu du chat et de la souris. Elle savait que Kirk Peterson était toujours sur l’affaire – un modeste et dévoué détective privé du Nebraska, qu’elle ne connaissait pas assez bien pour pouvoir lui faire totalement confiance. Mais le fait que quelqu’un soit activement sur les traces de cette affaire était rassurant. Ça lui donnait la sensation que, bien que le puzzle lui soit plus énigmatique que jamais, quelqu’un en avait sorti une pièce qu’il conservait précieusement, prêt à la replacer au dernier moment.

Elle ne s’était jamais sentie aussi abattue par quoi que ce soit d’autre. Ce n’était plus une question de savoir si elle pourrait mettre l’assassin de son père en prison, mais plutôt de mettre fin à un mystère qui durait depuis des décennies. Alors que toutes ses pensées étaient concentrées sur cette idée, son téléphone se mit à sonner. Elle vit le numéro du shérif s’afficher et elle répondit, en espérant recevoir quelque piste supplémentaire concernant l’affaire en cours.

« Bonjour, agent White, » dit le shérif Clarke au bout de la ligne. « Vous savez qu’on n’a pas un très bon signal ici à Stateton et j’ai l’agent Ellington qui voulait vous parler le plus rapidement possible. Il ne parvenait pas à vous appeler depuis son portable. »

Elle entendit un bruit dans le tГ©lГ©phone au moment oГ№ le shГ©rif passa la ligne Г  Ellington. В« Alors, В» dit-il. В« DГ©jГ  perdue sans moi ? В»

« Loin de là, » dit-elle. « Je serai avec Robbie Huston dans un peu plus d’une heure. »

« Ah, ça avance. Je viens d’ailleurs de recevoir le rapport du médecin légiste. Il vient d’arriver à l’instant. Je te tiens au courant si j’y trouve quoi que ce soit. Et Randall Jones ne va pas tarder à arriver. Je vais voir avec lui s’il me laisserait parler avec quelques-uns des autres pensionnaires de la résidence. »

В« OK. Pendant ce temps-lГ , je serai occupГ©e Г  traverser des champs de vaches et des prairies dГ©sertes. В»

В« Ah, la vie glamour, В» dit-il. В« Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. В»

Et sur ces mots, il raccrocha.

C’était la manière qu’ils avaient de se lancer tout le temps des piques. Elle se sentit stupide de s’être tracassée de ce qu’il pouvait bien ressentir concernant ce qu’il y avait entre eux.

Maintenant que l’appel l’avait déconcentrée des questions qu’elle se posait sur la mort de son père, elle fut capable de se focaliser sur l’affaire en cours. Le thermomètre digital à l’intérieur de la voiture lui indiquait qu’il faisait déjà trente et un degrés dehors… et il n’était même pas encore neuf heures du matin.

Les arbres qui bordaient la route secondaire où elle se trouvait étaient incroyablement épais et recouvraient la route tel un auvent. Et bien qu’il y ait quelque chose de joliment mystérieux à leur sujet, dans la faible lueur du matin, elle avait hâte de retrouver les plus vastes étendues des autoroutes principales qui la mèneraient vers Lynchburg et Treston.



***



Robbie Huston vivait dans un petit complexe d’appartements à la mode près du centre de Lynchburg, peuplé de librairies universitaires et de cafétérias qui ne prospéraient probablement que par la présence de l’importante université catholique privée présente dans la ville. Quand elle frappa à sa porte à neuf heures cinquante-deux, il répondit presque tout de suite.

Il avait l’air d’avoir la vingtaine – sec, les cheveux non peignés et un teint qui permettait de penser qu’il n’avait probablement jamais fait que du travail de bureau. Il était mignon dans son style et il était visiblement excité et nerveux d’avoir un agent du FBI qui vienne frapper à sa porte.

Il l’invita à entrer et elle vit que l’intérieur de l’appartement était aussi joli et moderne que l’extérieur. Une vaste pièce comprenait le salon, la cuisine et le bureau, séparés par de petites cloisons ornées et l’espace était baigné par la lumière naturelle qui provenait de deux grandes fenêtres ouvertes sur l’extérieur.

« Heu… vous voulez un café ou autre chose ? » demanda-t-il. « J’en ai encore dans la cafetière de ce matin. »

В« Du cafГ©, ce serait parfait, В» dit-elle.

Elle le suivit dans la cuisine où il versa une tasse qu’il lui tendit. « Du lait ? Du sucre ? »

« Non merci, » dit-elle. Elle prit une gorgée, le trouva assez bon, puis alla droit au but. « Monsieur Huston, vous faites du bénévolat à la résidence Wakeman pour aveugles, n’est-ce pas ? »

В« Oui. В»

В« Vous y venez souvent ? В»

« Ça dépend un peu de la charge de travail que j’ai, en fait. Parfois je n’y vais qu’une à deux fois par mois. Mais il y a aussi eu des mois où j’ai pu m’y rendre une fois par semaine. »

В« Et derniГЁrement ? В» demanda Mackenzie.

« Et bien, cette semaine, j’y étais lundi. La semaine dernière, j’y suis allé mercredi et la semaine avant ça, le lundi et le vendredi, je pense. Je peux vous montrer mon emploi du temps si vous voulez. »

« Peut-être plus tard, » dit-elle. « En parlant avec Randall Jones, j’ai appris que vous veniez pour jouer à des jeux de société et aider parfois à bouger des meubles ou nettoyer. C’est bien ça ? »

« Oui, c’est bien ça. Parfois, il arrive aussi que je leur fasse la lecture. »

В« Leur ? Avec quels pensionnaires en particulier avez-vous fait la lecture ou jouГ© Г  des jeux de sociГ©tГ© ces deux derniГЁres semaines ? В»

« Quelques-uns. Il y a un homme âgé du nom de Percy, avec qui je joue à Apples to Apples. Mais il faut au moins qu’un aide-soignant joue avec nous… pour lui murmurer ce que disent les cartes. Et la semaine dernière, j’ai discuté un peu avec Ellis Ridgeway. On a parlé de musique et je lui ai également fait un peu la lecture. »

В« Vous rappelez-vous quels sont les jours oГ№ vous avez passГ© ces moments avec Ellis ? В»

« Lors de mes deux dernières visites. Lundi, je l’ai laissée écouter Brian Eno. On a parlé de musique classique et je lui ai lu un article en ligne sur la manière dont la musique classique peut être utilisée pour stimuler le cerveau. »

Mackenzie hocha la tête, sachant qu’il était temps d’abattre sa plus grosse carte. « Et bien, je suis désolée de vous l’apprendre, mais Ellis a été retrouvée assassinée mardi soir. Nous essayons de savoir ce qui s’est passé et, comme vous pouvez le comprendre, nous devons interroger toutes les personnes qui ont passé récemment du temps avec elle. Et spécialement les bénévoles qui ne sont pas toujours présents à la résidence. »

В« Oh mon dieu, В» dit Robbie, en devenant de plus en plus pГўle.

В« Avant madame Ridgeway, il y a eu un autre meurtre dans une rГ©sidence Г  Treston, en Virginie. Y ГЄtes-vous dГ©jГ  allГ© ? В»

Robbie hocha la tête. « Oui, mais seulement deux fois. La première fois, c’était pour une sorte de service communautaire que nous faisons via Liberty, mon alma mater. Je les ai aidés à rénover leur cuisine et j’ai fait un peu de jardinage. J’y suis retourné un ou deux mois plus tard pour aider là où ils pourraient en avoir besoin. J’ai plutôt passé du temps avec eux. »

« Et c’était il y a combien de temps ? »

Il rГ©flГ©chit un instant Г  la question, encore secouГ© par la nouvelle des deux meurtres. В« Il y a quatre ans, je crois. Ou peut-ГЄtre plutГґt quatre ans et demi. В»

В« Vous rappelez-vous y avoir rencontrГ© un homme du nom de Kenneth Able ? Il a Г©galement Г©tГ© rГ©cemment assassinГ©. В»

Il eut à nouveau l’air perdu dans ses pensées. Son regard avait un air éteint. « Le nom ne me dit rien. Mais ça ne veut pas dire que je n’ai jamais parlé avec lui lors de mes visites. »

Mackenzie hocha la tête, de plus en plus certaine que Robbie Huston était loin d’être un meurtrier. Elle n’en était pas sûre mais il lui avait semblé avoir vu des larmes briller dans ses yeux alors qu’elle avalait une gorgée du café qu’il lui avait donné.

Mais on n’est jamais trop prudente, pensa-t-elle.

В« Monsieur Huston, nous savons avec certitude que madame Ridgeway a Г©tГ© assassinГ©e Г  cinq cent mГЁtres de la rГ©sidence Wakeman entre dix-neuf heures cinq et vingt et une heures quarante mardi soir. Avez-vous un alibi pour cette pГ©riode de temps ? В»

Elle vit à nouveau qu’il réfléchissait à la question, puis il se mit à hocher lentement de la tête. « J’étais ici, à l’appartement. J’étais en conference call avec trois autres types. Nous lançons une petite organisation pour aider les sans-abris du centre et d’autres villes voisines. »

В« Vous pouvez le prouver ? В»

« Je peux vous montrer où je me suis connecté. Je pense aussi qu’un des autres types garde des notes assez complètes sur les appels. Il y aura toute une série d’échanges de messages avec l’heure précise indiquée, des modifications de notes et ce genre de choses. » Il se dirigeait déjà vers son ordinateur portable qui se trouvait sur un bureau devant l’une des grandes fenêtres. « Je peux vous montrer si vous voulez. »

Elle était maintenant certaine que Robbie Huston était innocent mais elle voulait tout de même aller jusqu’au bout. Puis, vu la manière dont la nouvelle l’avait affecté, elle avait également envie que Robbie ait l’impression d’avoir contribué à l’enquête. Alors elle regarda par-dessus son épaule pendant qu’il se rendait sur le site d’accès aux conférences, qu’il se connectait et affichait son historique non seulement pour les derniers jours mais également pour les dernières semaines. Elle vit qu’il avait dit la vérité : il avait participé à une conference call et à une séance de planification de dix-huit heures quarante-cinq à vingt-deux heures quatre le mardi soir.

L’ensemble du processus ne lui prit que cinq minutes. Il lui montra les notes et les modifications, ainsi que l’heure à laquelle il s’était connecté et déconnecté de l’appel.

В« Je vous remercie pour votre aide, monsieur Huston, В» dit-elle.

Il hocha la tête en la raccompagnant jusqu’à la porte. « Deux personnes aveugles… » dit-il, en essayant de comprendre. « Pourquoi quelqu’un ferait-il un truc comme ça ? »

« J’essaie moi-même de répondre à cette question, » dit-elle. « N’hésitez pas à m’appeler si vous vous rappelez de quoi que ce soit qui pourrait nous aider, » ajouta-t-elle, en lui tendant une de ses cartes de visite.

Il la prit, lui fit lentement un signe d’au revoir, puis referma la porte derrière elle. Mackenzie eut l’impression qu’elle venait d’annoncer la nouvelle des meurtres à des membres de la famille plutôt qu’à un jeune homme au grand cœur qui semblait avoir de l’affection pour les deux victimes.

Ça lui donnait presqu’envie… sentir de vrais regrets pour des étrangers. Dernièrement, elle avait considéré les morts comme rien de plus que des cadavres – des monticules anonymes, prêts à offrir des indices potentiels.

Ce n’était pas la meilleure manière de vivre une vie, elle le savait. Elle ne devait pas laisser son boulot effacer tout sentiment de compassion, ou d’humanité.




CHAPITRE SEPT


Mackenzie se gara devant la résidence Treston pour aveugles à onze heures quarante-six, plus tôt que son GPS ne le lui avait prédit. Cependant, quand Mackenzie se gara devant l’édifice, elle vérifia à nouveau l’adresse que Clarke lui avait donnée. La résidence avait l’air toute petite, pas plus grande qu’un magasin. Elle était située dans le quartier Ouest de la ville de Treston qui, bien qu’elle soit beaucoup plus grande que Stateton, n’était pas non plus énorme. Bien que la ville soit bien au-dessus du petit trou perdu de Stateton, elle n’avait que deux feux rouges. La seule chose qui la rendait un peu plus urbaine, c’était la présence d’un McDonald’s dans la rue principale.

Confiante d’avoir la bonne adresse – ce qui fut d’ailleurs confirmé par la pancarte qui pendait devant la propriété délabrée – Mackenzie sortit de voiture et s’avança sur le trottoir fissuré. La porte d’entrée était séparée du trottoir par trois marches en béton qui n’avaient probablement pas été nettoyées depuis des années.

Elle s’avança à l’intérieur et entra dans un espace qui faisait office de vestibule et de salle d’attente. Une femme était assise derrière un guichet et parlait au téléphone. Le mur derrière elle était peint dans une teinte vive de blanc. Un tableau effaçable sur sa gauche contenait un petit nombre de notes. Pour le reste, le mur était vide et sans ornements.

Mackenzie s’avança vers le guichet et y resta un instant, faisant de son mieux pour faire comprendre à la femme qu’elle avait besoin d’aide. La femme derrière le guichet en eut l’air terriblement ennuyée et finit par raccrocher à contrecœur. Elle leva les yeux vers Mackenzie et demanda : « Puis-je vous aider ? »

В« Je voudrais parler avec le directeur de la rГ©sidence, В» dit-elle.

В« Et vous ГЄtes ? В»

В« Agent Mackenzie White du FBI. В»

Pendant un instant, la femme resta sans bouger, comme si elle ne croyait pas Mackenzie. Ce fut cette fois-ci le tour de Mackenzie de lui décocher un regard ennuyé. Elle sortit son badge et vit finalement la femme se mettre en action. Elle décrocha le téléphone, appuya sur une extension et parla brièvement avec quelqu’un. Elle évita tout contact visuel avec Mackenzie durant tout ce temps.

Quand la femme eut terminé, elle leva de nouveau les yeux vers Mackenzie. Elle était visiblement gênée mais Mackenzie fit de son mieux pour ne pas avoir l’air de s’en réjouir.

« Madame Talbot va vous recevoir tout de suite, » dit la femme. « Vous pouvez passer à l’arrière. Son bureau est le premier que vous rencontrerez. »




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